Entretien exclusif Amazon avec Said Sayrafiezadeh
Nous avons rencontré l'auteur du livre Le Jour où les skateboards seront gratuits pour en savoir plus sur ses idées actuelles, ses influences en matière d'écriture et l'engagement politique de son père.
Comment votre enfance a-t-elle façonné vos décisions d'adulte ? Êtes-vous aujourd'hui politiquement engagé ou fuyez-vous cet univers ?
J'ai du mal à me faire mes propres opinions lorsqu'il s'agit de politique. Étant donné mon enfance, on peut dire que c'est assez normal. J'essaie de rester à la page autant que possible mais je suis las. Je ressens également un certain mal-être. Particulièrement au moment des élections, quand mon anxiété est alimentée par le ton pressant des démocrates et des républicains. Quand j'étais petit, les opinions politiques évoluaient à un rythme effréné. Selon le Parti socialiste des travailleurs, le monde était en permanence au bord du gouffre et il ne tenait qu'à nous de faire tout ce qui était en notre pouvoir pour contrer cet effondrement. Devenu adulte, j'essaie de vivre au-dessus du conflit autant que possible. Ma femme et moi avons récemment passé une semaine de vacances à Washington D.C. Cette semaine fut riche en visites : la Cour suprême, la Chambre des députés, le Sénat et même le Pentagone. C'était fascinant de visiter ces lieux seulement aperçus lors de manifestions. J'ai énormément de respect et d'admiration pour notre système politique. Mais ce sentiment reste marqué par une certaine culpabilité et, à juste titre, un reproche aux déformations les plus flagrantes de l'histoire américaine. J'entretiens une relation particulière avec mon pays, une relation qui n'est pas encore claire.
Que pensez-vous des héros révolutionnaires de votre enfance - Castro et le Che, par exemple ?
J'ai un faible pour eux. Et je pense qu'il en sera toujours ainsi. Castro, le Che, Malcom X. Ces figures révolutionnaires ont marqué mon enfance. Je les considérais plus comme des membres de ma famille que comme des héros. Et je n'exagère pas. Ils étaient même parfois plus proches de moi que ma famille. Et certainement plus proches que mon père, qui a été absent jusqu'à mes dix-huit ans. Ils faisaient office de figures paternelles. Même si le Che et Malcom X étaient déjà morts quand je suis né, je les ai considérés comme des compagnons vivants et je les imaginais en train d'échafauder un plan pour nous sauver, ma mère et moi, d'une manière ou d'une autre. Cela me rassurait. Encore aujourd'hui je bous intérieurement quand j'entends des propos désobligeants à leur égard. Pourtant, je suis capable de faire face à la critique lorsqu'il est question de mon père.
Vous racontez des souvenirs très personnels dans ce livre. N'aurait-il pas été plus facile de changer les noms et les dates et d'écrire un premier roman ?
Probablement. Mais ce n'est pas ce qui m'a poussé à écrire cette histoire. C'est ce désir de raconter la vérité sur les événements passés qui m'a inspiré. Romancer l'histoire aurait été un acte de lâcheté. Le Parti socialiste des travailleurs a toujours été fier de s'exprimer haut et fort sans se soucier des conséquences. Je suis devenu le membre du Parti idéal de bien des manières. Vous percevez l'ironie ?
Qui a le plus influencé votre écriture ? Votre famille regorge d'intellectuels éloquents.
Je ne sais pas vraiment. C'est peut-être une combinaison de plusieurs choses. Le théâtre m'a forgé. Enfant, j'ai joué dans des pièces et cette dramatisation des événements m'a profondément touchée. Et mon oncle, Mark Harris, était un auteur célèbre, ce qui m'a permis de réaliser que c'était quelque chose de possible. D'un autre côté, ma mère était constamment frustrée dans son désir de devenir écrivain. Je la voyais souvent en train de travailler sur des nouvelles ou prendre des cours. Elle n'a quasiment pas eu de succès, mais au moins l'écriture était présente dans notre famille. Je savais qu'elle aspirait à d'autres choses en plus de la révolution socialiste.
Comment votre père a-t-il reçu votre livre, Le Jour où les Skateboards seront gratuits?
À l'automne 2005, j'ai publié un essai dans le magazine Granta sur mon enfance ; cet essai a établi les bases de ce livre. Depuis, mon père ne m'a plus adressé la parole. Il a sûrement été offensé par les mots que j'ai eus à son égard et à l'égard du Parti socialiste des travailleurs. Il a peut-être aussi été humilié par les conséquences de son abandon. J'aimerais bien le croire. Mon père est toujours un membre important du Parti socialiste des travailleurs et sa réaction n'a pas été une surprise car la politique a toujours supplanté la famille. Et c'est essentiellement le sujet de mes mémoires. D'une certaine manière j'avais raison.
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